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La Chine en Afrique : un impérialisme comme les autres – Modeste Kante

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Présente en Afrique depuis le début des années 2000, la Chine continue d’étendre son emprise sur le continent malgré les critiques sur son impact social et environnemental. Jouant la carte de l’alternative à l’impérialisme occidental, le gouvernement chinois n’en exploite pas moins les richesses africaines et n’hésite plus à intervenir dans la gouvernance des États.

Avec plus de 10 000 entreprises installées sur le continent africain pour 180 milliards de dollars de chiffre d’affaires générés en 2017, la Chine est de loin le principal partenaire commercial de l’Afrique. Depuis l’organisation du premier Forum de coopération Chine-Afrique en 2000, l’Empire du Milieu s’est massivement intéressé à l’énorme potentiel de l’Afrique : ses immenses réserves d’énergie comme de minéraux, son manque criant d’infrastructures et son vaste marché pour les produits chinois. Dès 2006, plus de 130 000 Chinois étaient installés au Zimbabwe, au Nigérian, en Angola ainsi qu’en République de Guinée. Des liaisons aériennes directes ont même vu le jour pour relier Pékin à Harare et Luanda. À dimension commerciale, mais aussi politique, militaire et humanitaire, la stratégie chinoise s’appuie alors sur un discours présentant la présence chinoise comme l’antithèse de l’exploitation du continent africain par l’Occident. Contrairement aux méfaits causés par la colonisation, la Françafrique et l’impérialisme américain, le nouveau venu prétend vouloir établir une coopération d’égal à égal, « plus juste » vis-à-vis du peuple africain.

« Loin d’abandonner les thématiques anciennes, Pékin s’appuie aussi sur un discours tiers-mondiste Sud-Sud fondé sur un passé, constamment rappelé, de lutte commune contre « tous les impérialismes » », décrivait dès 2006 Valérie Niquet dans un ouvrage intitulé La stratégie africaine en Chine. « Dans le discours chinois, cette stratégie s’exprime par la défense d’un ordre économique et politique « plus juste », qui rencontre un écho incontestable sur le continent noir. La Chine se pose ici encore en modèle, voire en leader, jouant de sa spécificité de « plus grande puissance en développement du monde » — une position que nul ne peut lui contester. Cette stratégie répond au demeurant à une certaine attente d’Africains qui, depuis la fin de la Guerre froide, n’ont pu que constater un retrait des Occidentaux. Robert Mugabe n’exprimait pas autre chose en mai 2005 à l’occasion du 25e anniversaire de l’indépendance du Zimbabwe : « Il nous faut nous tourner vers l’Est, là où se lève le soleil ». »

Guinée : le gouvernement captif des puissants intérêts chinois

Assise sur un sous-sol extrêmement riche en minerais, minéraux et autres hydrocarbures, comprenant notamment la première réserve mondiale de bauxite, la Guinée est parmi les premiers pays à avoir fait affaire avec la Chine. En 2007, Conakry a reçu un investissement d’un milliard de dollars de la banque chinoise Eximbank pour financer la construction d’un barrage hydroélectrique, en échange d’un accès privilégié aux mines de bauxite. Alors que la France annonçait un embargo sur les armes et l’arrêt des travaux de reconstruction d’une autoroute suite aux massacres du 28 septembre 2009 dans le pays, Pékin s’immisçait dans la brèche et négociait avec la junte l’investissement de 7 à 9 milliards de dollars dans des exploitations minière et pétrolière ainsi que les infrastructures. Dès lors, la mainmise chinoise sur les richesses guinéennes s’est progressivement accentuée. En septembre 2017 la Guinée acceptait un prêt de 20 milliards de dollars sur 20 ans par la Chine pour développer le pays contre un accès à ses concessions minières. « Contrat providence » pour certains, cet accord résonne au contraire telle une sonnette d’alarme pour d’autres, qui dénoncent la position de plus en plus captive du gouvernement guinéen face aux puissants intérêts chinois.

S’inquiétant « des dettes que les générations futures devront certainement supporter », le journaliste guinéen Mamadou Aliou Diallo craint que « le regain d’intérêt de la Chine pour la Guinée [soit] d’ordre strictement stratégique, car étant intimement lié à sa volonté d’assurer l’approvisionnement de ses raffineries en bauxite pour pallier aux restrictions de son principal fournisseur, l’Indonésie, dans le but de perpétuer son hégémonie sur le marché mondial de l’aluminium. C’est le deal idéal pour une Chine en soif de puissance et d’affirmation. […] Lentement mais sûrement, l’Empire du Milieu est en train de faire main basse sur les ressources minières de la Guinée, dont les autorités continuent à lui dérouler le tapis rouge. » Le journaliste dénonce les méthodes de la principale société chinoise d’exploitation minière en Guinée (SMB), qui entend multiplier par sept sa production de bauxite en cinq ans (de 12 à 80 millions de tonnes entre 2016 et 2020) sans partager les profits avec la population locale.

« Contrairement aux sociétés traditionnelles comme le consortium CBG et le géant russe Rusal, qui eux font des opérations sur la chaîne avec un process de transformation préalable, la SMB, elle, se contente de transporter sans aucun traitement préalable la terre rouge guinéenne vers la Chine, où se fera la transformation. Ce sont au passage des milliers d’emplois qui sont perdus dans la nature », déplore-t-il, redoutant également l’impact d’entreprises chinoises régulièrement accusées de saccager l’environnement (pollution de l’air, des cours d’eau, récoltes contaminées…). « La Guinée comme l’Indonésie avant elle encourt les mêmes conséquences environnementales et écologiques en livrant ses ressources minières à la Chine, sans aucune garantie d’impact en matière de développement économique durable. »

Zimbabwe : la chute de Mugabe commanditée par Pékin

Au Zimbabwe, les rapports privilégiés avec la Chine ont là aussi pris la forme d’une domination qui ne dit pas son nom. Bien que se targuant de ne « jamais intervenir dans les affaires intérieures », Pékin n’hésite toutefois pas à utiliser la manière forte quand ses intérêts sont menacés. Malgré les gages donnés aux autorités chinoises, notamment la reconnaissance du yuan comme monnaie de réserve officielle en décembre 2015, Robert Mugabe a payé cher son « amitié » avec Pékin. En effet, depuis 2008, la loi dite « d’indigénisation » imposait aux entreprises étrangères de réserver 51 % de leur actionnariat aux Zimbabwéens. Une décision qui mettait en péril la domination des groupes chinois sur l’économie du pays. Devant les réticences du dictateur africain à revenir sur cette loi qui permettait à lui et son clan de s’enrichir facilement, Pékin a probablement organisé un coup d’État contre son « cher et fidèle allié ». Le 14 novembre 2017, après avoir mystérieusement passé plusieurs jours dans la capitale chinoise, le général Constantino Chiwenga organisait un putsch et chassait Mugabe du pouvoir. Moins d’une semaine après une investiture chaleureusement saluée par la Chine, le nouveau président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa abolissait la loi d’indigénisation contre un prêt de 153 millions de dollars d’Eximbank. Le vrai visage de la Chinafrique, celui d’un impérialisme au mieux comme les autres, ne faisait alors plus de doute.

Modeste Kante a effectué ses études de Science Politique, puis de Journalisme, à l’Université Lumière-Lyon 2. Depuis une dizaine d’années, il travaille principalement en Afrique dans le monde de la presse en ligne avec des médias africains (anglophones et francophones).

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